11- Nos traités, nos relations

11- Nos traités, nos relations

Oser s'en parler
Oser s'en parler
11- Nos traités, nos relations
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Résumé

Vous avez peut-être entendu la phrase "Nous sommes tous signataires de traités"... mais qu'est-ce qu'elle veut dire? Quelles sont les implications des traités? Et quelles sont les responsabilités qui viennent avec le fait de vivre sur des territoires non-cédés? Ensemble, on tente de vulgariser les bases générales de ces sujets complexes et fondamentaux, si peu connus des allochtones, pour déconstruire les frontières "canadiennes", mieux comprendre les différents mouvements de revendications autochtones, et piquer votre intérêt d'en apprendre davantage.

Transcription de la narration

Vous écoutez Oser s’en parler, un balado indépendant dans lequel on tente de déconstruire le malaise et l’inertie allochtones, tout en mettant de l’avant des voix autochtones. Je m’appelle Charlotte Côté, je suis animatrice, productrice, gestionnaire du projet et je suis honorée de vous retrouver pour un nouvel épisode. L’idée du balado, c’est de créer un espace où en tant qu’allochtones, on entame une introspection collective et individuelle sur le racisme systémique envers les autochtones, pour se responsabiliser, et s’engager à faire partie de la solution. Bienvenus et rebienvenus dans cet espace de dialogue, d’apprentissage et de remise en question.

Mot d'introduction:

Bonjour à vous – voisins, concitoyennes, amis! Ça fait du bien de se retrouver pour un 11e épisode, mais je voulais prendre le temps de méditer sur les circonstances de nos retrouvailles.

D’un côté, on est le mois de juin, qui est le mois national de l’histoire autochtone, ou on célèbre la diversité, la vitalité et la richesse des cultures autochtones. De l’autre, on vient de retrouver ce 215 corps d’enfants enlevés et disparus, dans une fosse commune à l’ancien pensionnat de Kamloops.

Ces deux évènements ne sont que des raisons de plus de se responsabiliser sur la réalité coloniale de notre pays. Alors qu'on entame un processus de deuil national, n'oublions pas que l'esprit des pensionnats indiens survit aujourd'hui entre-autres dans les structures coloniales et patriarcales des services de protection à l'enfance. N’oublions pas que notre gouvernement combat devant les tribunaux des survivants du pensionnat Saint-Anne, où on faisait subir entre-autres la chaise électrique aux enfants. N’oublions pas que notre gouvernement combat devant les tribunaux quelques 50 000 enfants des Premières Nations qui ont été séparés de leurs familles par un système de protection à l’enfance biaisé et chroniquement sous-financé. Notre argent finance ces affronts.

N’oublions-pas qu’en ce début juin, le ‘plan d’action’ présenté par le gouvernement fédéral pour lutter contre les disparitions et les meurtres de femmes, filles et personnes LGBTQIA2S autochtones comporte d’énormes lacunes, au point de perpétuer le génocide aux yeux de ces familles et ces communautés qui continuent de vivre dans l'incertitude de ce qui est arrivé aux leurs.

N’oublions pas qu’en ce début juin, alors que les audiences publiques sur la mort de Joyce Echaquan ont pris fin, le gouvernement provincial québécois refuse toujours de reconnaître le racisme systémique, et d’adopter le principe de Joyce, qui vise simplement à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.

N’oublions pas que depuis la publication du Rapport de la Commission de Vérité et Réconciliation en 2015, nous n’avons pour le moment adressé que 8 de 94 appels à l’action.

Je nous souhaite d’avoir en tête ces enjeux lorsqu’il sera temps de voter. Je nous souhaite de comprendre que notre engagement doit être un processus continu, et pas une liste d’actions ponctuelles à cocher. Je nous souhaite à tous – moi incluse - de continuellement nous éduquer; car les ressources existent, et le temps presse.

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Je n’avais pas anticipé prendre une pause entre les 10e et 11e épisodes, mais j’ai à jongler plusieurs responsabilités professionnelles, personnelles et citoyennes et avec le contenu d’Oser s’en parler, j’ai toujours priorisé la qualité et la rigueur à la maximisation des algorithmes qui favorisent la fréquence de publication. Cet épisode est un épisode que je voulais produire depuis longtemps, car il traite d’un sujet complexe et fondamental que peu de Canadiens connaissent. J’espère qu’en moins d’une heure on réussira à vulgariser les bases, et piquer votre intérêt d’en apprendre davantage. Bonne écoute!

Nos traités, nos relations:

We are treaty people.

Nous sommes tous signataires de traités.

Vous avez peut-être entendu cette phrase. Mais on passe peu de temps à comprendre ce qu’elle signifie vraiment dans le contexte canadien.

Les frontières du « Canada » qu’on prend pour acquises, de l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique à l’Océan Arctique, ne sont pas neutres et n’ont pas été établies de façon organique.

Pensez à nos frontières nordiques, par exemple. Le gouvernement entre les années 50 et 60, a trompé et déporté une centaine d’inuits 2000km au nord d’où ils vivaient, dans ce qu’on connaît aujourd’hui comme les deux communautés les plus nordiques du pays, soit Resolute Bay et Grise Fiord. Pour utiliser les mots de mon amie inuk qui une de leurs descendants, ces personnes qu’on a déporté servaient de « human flagpoles for the Qallunak* ». Dans le désert du Haut-Arctique, ces familles inuites gardées en otage, ont dû lutter pour leur survie, simplement parce que le Canada devait justifier d’une présence humaine permanente dans le Haut-Arctique pour renforcer sa souveraineté dans la région pendant la Guerre Froide. Le Nunavut tel qu’on le connaît aujourd’hui découle en partie du règlement de revendications territoriales en 1993, après des décennies de négociations. Le combat mené par les leaders inuits à l’époque visait à donner aux Inuits du centre et de l'est de l'Arctique canadien les outils politiques nécessaires pour mieux faire face à leurs défis socio-économiques contemporains.

Comme on l’a vu au 2e épisode d’Oser s’en parler avec Alexandre Bacon, Innu, le Canada a pris de l’ampleur majoritairement avec des traités qu’on dit « historiques » pour s’étendre de la Province of Quebec vers l’ouest.

La Proclamation Royale de 1763, qui est la première Constitution euro-canadienne, reconnaît d’ailleurs le « titre Indien » entre guillemets sur les territoires à l’Ouest de la Province of Quebec. Ce qu’il faut savoir, c’est que dans les années 1700, les communautés autochtones ont résisté l’accaparement des terres par les colons européens par des moyens diplomatiques et militaires. Ce titre Indien est reconnu à l’époque par la Couronne britannique, entre-autres pour mettre en place un processus pour l’éteindre : les traités. Ces traités doivent se conclure entre la Couronne et les Nations autochtones, affirmant une relation qu’on appelle « de Nation à Nation ». Aujourd’hui, c’est cette relation d’égal à égal qui a été perdue à causes des mesures coloniales et qui doit être recouvrée.

Dans les années 1800s, les Nations autochtones ont conclu des traités avec les gouvernements coloniaux représentant la Couronne - certaines de leur plein gré, d'autres sous la pression ou la contrainte - afin de sauvegarder leurs terres et leur mode de vie. Des traités qui encore aujourd’hui, dictent les modalités de cohabitation dans les provinces à l’Ouest du Québec. Les Nations autochtones ont toujours considéré ces traités comme des accords de partage des terres, pour initier des relations mutuelles qui elles, doivent être maintenues et renouvelées. Les gouvernements coloniaux, eux, ont toujours considéré les traités comme des transactions ponctuelles par lesquelles ils ont acquis des terres. Et c’est là où on rentre dans les complexités de notre héritage – et de notre réalité coloniale.

Ce qu’il faut savoir, en tant que Canadiens et donc en tant que « signataires de traités », c’est que les termes des traités ont souvent été très vagues : parfois, au lieu de parler de distances mesurables, on tentait d’établir la grandeur du territoire visé en parlant de choses comme, et je cite « aussi loin qu’on puisse voir sous le ventre d’un cheval », ou « aussi loin que porte le bruit d’un coup de feu par beau temps ».

Et il y a la question d’interprétation qui est centrale, parce que la terminologie utilisée par les colons dans les traités écrits était souvent contradictoire – probablement intentionnellement.

Par exemple, le traité de Peguis-Selkirk de 1817 est le premier accord officiel écrit dans l'Ouest du Canada. Il reconnaît les Autochtones, les Cris Nehiyawak ainsi que les Saulteux Anishinaabeg plus précisément, comme les « propriétaires » de la vallée de la rivière Rouge (au Manitoba aujourd’hui). Le traité décrit vraiment une relation de propriétaire-locataire entre les autochtones et les colons en parlant d’une « redevance annuelle de 100 livres de bon tabac commercialisable » pour l’utilisation des terres par les Européens. Mais en préambule, le traité affirme paradoxalement que ces terres sont « cédées à Notre Majesté le Roi ».

Et alors que la méthode de transmission des savoirs européenne par excellence est l’écrit, la méthode de transmission des savoirs autochtone par excellence est l’oral. Alors que les Canadiens auraient tendance à lire et décrypter des textes contradictoires pour faire sens des traités, plusieurs Autochtones aujourd’hui considèrent leurs aînés comme la référence suprême en ce qui concerne l’esprit et l’intention des traités, car les aînés sont maîtres de la tradition orale dans leurs cultures.

Le chef Peguis, signataire du traité, a déclaré officiellement en 1859 et je cite, qu’ « aucun marché officiel n’a été conclu; il s’agissait simplement d’un prêt […]; je l’affirme : les terres n’ont jamais été vendues ». Le traité a été remplacé en 1871 par le traité numéro 1 : entre cette date et 1921, les traités numérotés (de 1 à 11) vont retirer les titres de propriété des terres aux Autochtones, les remettant à la Couronne. Et un autre aspect problématique de ces traités, c’est que les redevances des traités ne sont ni payées annuellement comme il avait été conclu, ni indexées à travers les années.

Il existe aujourd’hui beaucoup de confusion parce qu’en tant que Canadien, on est soit ignorant des traités conclus avec les Autochtones, ou on les voit seulement comme des documents par lesquels les Autochtones ont cédé leurs droits et leurs titres. Dr. Adam Gaudry, Métis et expert sur la question, écrit que cette vision comporte des pièges :

« Les traités ont été négociés en public et devant de grands auditoires grâce à des méthodes qui assuraient la reddition de comptes pour l’avenir. Les personnes présentes pouvaient se souvenir des sujets abordés, des accords et, bien sûr, des désaccords. Dans la plupart des cas, les Autochtones n’ont pas discuté de la cession permanente de leurs terres, et ils y ont encore moins consenti. […] Les traités comme celui-ci cherchaient à conférer des avantages mutuels, et non à restructurer les relations politiques en se fondant sur d’énormes inégalités sur ce plan. […] Les Autochtones qui ont négocié l’entente étaient des diplomates puissants et astucieux qui pouvaient forcer les négociateurs européens à accepter les normes des systèmes diplomatiques des Autochtones. Si nous percevons les traités comme des documents de cession — et non comme des accords évolutifs —, nous passons à côté de leur but. C’est pourquoi le Traité Selkirk — en fait, tous les traités conclus entre les Autochtones et la Couronne — est si mal compris. »

Pour résumer, deux éléments centraux sur les traités :

  1. Les traités ne sont pas des accords sur la vente de terres. Il s'agissait plutôt d'accords de nation à nation qui établissaient les modalités de coexistence pacifique d'entités souveraines dans le cadre du partage des terres. Les textes des traités sont écrits du point de vue britannique, et donc avec la lentille coloniale, qui reformule les faits même s’ils se contredisent entre-deux, pour justifier l’établissement de la souveraineté canadienne d’un océan à l’autre. Pour avoir une vision équilibrée de la signification réelle de chaque traité, il faut comprendre la perspective autochtone. Les ceintures de wampum, les récits oraux et les comptes rendus écrits de ce qui s'est dit lors des négociations de traités apportent des corrections inestimables à toute mauvaise interprétation.
  2. Les traités ne sont pas quelque chose du passé : ils demeurent des accords juridiquement contraignants entre nations, malgré les nombreuses violations de la part du gouvernement et des allochtones. Aujourd’hui, des traités sont encore conclus sous la forme de revendications territoriales globales, et les Canadiens doivent s'informer des obligations et des responsabilités qu'ils ont envers les nations autochtones et le territoire.

Mais un troisième élément qu’Alexandre Bacon, conseiller stratégique innu et cofondateur du Cercle Kisis, nous a partagé au 2e épisode : ces traités, qui sont mal interprétés et qui ne sont même pas respectés par les autorités gouvernementales, eh bien ils ne couvrent même pas l’entièreté des terres sur lesquelles le Canada proclame sa souveraineté.

[Clip audio, Alexandre Bacon]

Non seulement les traités signés ne visaient pas à céder les territoires, mais dans certaines parties de « ce pays », les terres n’en ont jamais fait l’objet – et non, elles n’ont pas non plus été « conquises » à la suite de combats armés. C’est le cas d’une grande partie des Maritimes, du Québec, et c’est le cas de l’Ontario de l’Est et d’une grande partie de la Colombie-Britannique.

C’est la source des résistances Wet’suwet’en et Gitxsan par exemple : leur territoire n’a jamais été formellement cédé, et en 1997, la Cour Suprême, une institution coloniale, leur avait donné raison, en les encourageant à négocier leur titre ancestral autochtone. Elles pourraient avoir leur titre reconnu soit en négociant un traité moderne avec le gouvernement provincial, une institution coloniale soit en saisissant les tribunaux, une autre institution coloniale. Ces processus coûtent énormément d’argent, et durent des décennies.

En attendant, le Canada établit des accords avec des compagnies d’exploitation des ressources, et passe un pipeline sur un territoire qui n’a jamais formellement été « de la Couronne ».

Et quand on se penche sur la nature des relations entre la Couronne et les Nations autochtones par rapport aux traités et aux droits territoriaux, on en arrive à un 4e élément central : les droits existants, ancestraux ou issus des traités sont reconnus et confirmés par l’article 35 de notre Constitution depuis 1982, et par de nombreux arrêts de la Cour Suprême. Autrement dit, notre pays reconnaît l’existence de droits autochtones liés au territoire.

  • Ce sont d’ailleurs ces droits que revendiquent les pêcheurs mi’kmaq de la Première Nation de Sipekne'katik  entre-autres, qui ont dû faire face à de la violence et des techniques fortes d’intimidation notamment en fin d’été 2020 de la part de pêcheurs allochtones, sous les yeux de la Gendarmerie Royale Canadienne qui est restée immobile – et qui a même empêché les pêcheurs mi’kmaq de se défendre.
  • Ce sont ces droits pour lesquels les Anishinabeg demandent un moratoire dans le dossier de la gestion de l’orignal dans la Réserve faunique La Vérendrye.
  • Ce sont ces droits territoriaux que revendiquent plusieurs groupes autochtones à Ottawa, là où la colline parlementaire et la Cour Suprême se trouvent sur les territoires non-cédés.

Mais comme va nous le mentionner Alexandre, le système colonial est une suite de couches de contradictions, qui rendent ces situations aujourd’hui si complexes. Parce que dans le cas de Wet’suwet’en, par exemple, il y a les éléments juridiques et politiques qu’il faut prendre en compte.

[Clip audio, Alexandre Bacon]

Je vous recommande une lecture de bande dessinée de Chloloula, qui se nomme : « Pourquoi les Premières Nations bloquent-elles les chemins de fer? Et pourquoi c’est important » et qui vulgarise bien les différentes couches et complexités des enjeux dans le contexte de la mobilisation Wet’suwet’en, la nature coloniale et oppressive de la Gendarmerie royale canadienne, et la tactique de « diviser et imposer » du gouvernement canadien encore aujourd’hui.

On en parlait d’ailleurs avec Emanuelle Dufour au premier épisode :

[Clip audio, Emanuelle Dufour]

Plusieurs comparent le mouvement de mobilisation en solidarité avec les chefs héréditaires et les défenseurs du territoire Wet’suwet’en de 2020 avec ce qu’on a appellé la « crise d’Oka », ou la « résistance de Kanesatake » en 1990. Comparaison avec 3 décennies d’écart au niveau de l’ampleur, de l’appui, mais aussi au niveau des revendications.

Ce qui reste en tête, ce sont peut-être les barricades, les blocus des chemins de fer, les interventions musclées des forces de l’ordre, mais l’origine de ces contestations, c’est l’accaparement de terres autochtones par le gouvernement au profit d’industries d’exploitation de ressources, de promoteurs ou autres.

En ce moment-même, sur le territoire non-cédé Ditidaht et Pacheedaht, dans l’ouest, les derniers arbres multimillénaires de la forêt ancienne se font abattre avec l’accord du gouvernement de la Colombie-Britannique. Depuis des mois, les gardiens du territoire et leurs alliés défendent ces écosystèmes en voie de disparition, dans une lutte pacifique de plus en plus réprimée par les forces de l’ordre, qui remet à jour les enjeux de développement durable, conservation des écosystèmes, promesses gouvernementales brisées, gouvernance autochtone, colonialisme, et qui expose les flous autour « qui parle au nom de de qui? » et « quels sont les choix réels à disposition des Premières Nations pour leur développement économique et social? ».

Sur le Nitaskinan, le territoire non-cédé des Atikamekw Nehirowisiw, dans l’est, la forêt ancienne aussi disparaît progressivement par des coupes à blanc des industries forestières avec l’aide du gouver   nement québécois. Charles Coocoo, de son vrai nom, Matotoson Iriniu, « porteur de pipe » et grand homme atikamekw, écrit que – et je cite « ce ne sont pas seulement des arbres qui nous quittent, mais une partie de nous. […] Lorsqu’il est question de planification territoriale, les communautés atikamekw transportent toutes avec elles des histoires de luttes éprouvantes, de promesses brisées et de préjudices. Pourtant nous persistons à vouloir collaborer de bonne foi avec ce gouvernement, pour notre nation, faire avancer des projets qui sont communs à nos deux peuples.

Combien d’ententes d’harmonisation n’ont jamais abouti ?

Combien de nos projets de conservation sont tombés à l’eau ?

Pourquoi une telle mauvaise foi ?

Décoloniser la forêt, c’est comprendre que des gens qui y vivent et y trouvent autre chose qu’une valeur pécuniaire. »

Plusieurs procès ont réaffirmé que le gouvernement a une obligation de consulter les peuples autochtones quand une décision aura un impact sur leurs droits. Mais les consultation publiques que les gouvernements et les compagnies font avec les communautés sont souvent de simples exercices d’image. On écoute Gilbert Niquay, intervenant communautaire atikamekw et invité dans notre prochain épisode, là-dessus.

[Clip audio, Gilbert Niquay]

La vague de mobilisation en solidarité avec les chefs héréditaires Wet’suwet’en, les défenseurs du territoire, les jeunes et les matriarches autochtones en février 2020 ont été pour plusieurs un rappel que la colonisation est un processus bien complexe toujours bien vivant. Ça prend souvent ces « crises » pour qu’on réalise en tant qu’allochtones que les gouvernements qu’on élit, aussi férus de Réconciliation soient-ils, reproduisent le cercle vicieux colonial.

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Anne Dagenais est activiste, travaille pour la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles à Ottawa, en territoire non-cédé Anishinaabe, danse le swing, et organise avec Indigenous Solidarity Ottawa. Anne est allochtone, ou comme on dit dans les milieux anglophones, "settler" (colonisateur/trice). Depuis plusieurs années, Anne se responsabilise et tente de responsabiliser d'autres settlers sur la réalité coloniale du Canada.

[Rencontre avec Anne Dagenais, audio]

On avait rencontré Anne au 5e épisode, pour discuter de l’importance d’aborder des sujets sensibles sur le racisme et le colonialisme, avec ceux et celles qu'on aime. Aujourd’hui, je vous partage le reste de notre rencontre qui a eu lieu l’été dernier en mode distanciation sociale. On parle d'activisme, des règles d'or pour la solidarité, d'actions tangibles qu'on peut poser dès maintenant et de l'importance de se mettre à la tâche en tant qu’allochtone. On met aussi en lumière le travail d’Indigenous Solidarity Ottawa, un collectif grassroots, principalement constitué d'allochtones, qui soutient les luttes autochtones pour la justice et la décolonisation et on se rappelle que le combat est loin d'être terminé.

[Rencontre avec Anne Dagenais, audio]

En tant qu’allochtone, on a souvent peur de faire des erreurs, et la vérité c’est qu’on est voué à faire des erreurs en travaillant à renverser des habitudes ou des systèmes avec lesquels on a vécu jusqu’à présent.

Et autant on parle de cette dynamique au 5e épisode de la série, autant j’étais curieuse de savoir quelles règles de bases Anne aurait à recommander à quelqu’un qui veut s’engager dans une cause qui n’est pas directement la sienne.

[Rencontre avec Anne Dagenais, audio]

Dans ces efforts pour rappeler le passé colonial canadien et changer les relations entre allochtones et autochtones, on entend de plus en plus de « land acknowledgment » au début d’allocutions ou à l’inauguration d’évènements ou d’espaces. En français, on appelle ça des « reconnaissance de territoire » qui sont verbales, qui peuvent prendre plusieurs formes mais qui de manière générale se veulent de petits gestes dits de « Réconciliation ». On y reconnait les territoires ancestraux autochtones où on se situe, et parfois, on mentionne les traités en place ou le fait que les terres n’aient jamais été ni conquises ni cédées.

L’intention, c’est de démontrer du respect, mais il faut faire attention à ce que ces paroles ne soient pas vides de sens. Même si honorer les premiers occupants d’un lieu et reconnaître les relations brisées sont une première étape, il s’agit de comprendre que la colonisation n'est pas seulement un problème historique ; mais qu’elle continue aujourd’hui. Qu’encore de nos jours, les gouvernements, institutions publiques, organisations citoyennes, compagnies privées, etc. continuent de vouloir contrôler entre-autres les communautés et l’expression des savoirs autochtones, les ressources, et le narratif national.

Le Dr. Niigan Sinclair, universitaire et analyste anishinabeg dit que, et je cite : « faire une reconnaissance d’appartenance de la terre devrait être la chose la plus importante que les Canadiens font avant qu’un événement commence. C’est une analyse fondamentale de qui nous sommes, d’où nous nous trouvons et de comment nous devrions procéder ».

Et au fur et à mesure que ces reconnaissances territoriales se multiplient, plusieurs craignent que la pratique devienne une simple formalité; une façon de plaider pour la réconciliation sans réellement entreprendre de démarches concrètes.

[Rencontre avec Anne Dagenais, audio]

Il n'y a pas de consensus sur l’efficacité des reconnaissances de territoire, ou même sur la manière dont elles devraient être faites.

Il existe une foule de ressources et d’opinions disponibles en ligne, mais d’une manière très large, si vous ne savez pas par où commencer pour développer une déclaration de reconnaissance de l’appartenance ancestrale des terres, je vous ai compilé une liste de quatre questions directrices pour guider votre réflexion. Elles proviennent de mes différentes recherches, de mes expériences et des enseignements de certains partenaires autochtones.

  1. Pourquoi faisons-nous cette reconnaissance des terres ?
  2. Comment cette reconnaissance de territoire est-elle liée à l'événement/ à la réunion/ à l’institution/ à l’organisation ?
  3. Quelle est l'histoire de ce territoire ? Comment l'histoire a-t-elle affecté la santé et le bien-être des peuples autochtones aujourd'hui ?
  4. Que pouvons-nous faire dans notre propre travail pour aider les gens à guérir de ce passé - et à apprendre à ne pas infliger de nouvelles blessures aujourd'hui ? – Ici, on ajoute une sorte d'engagement à la déclaration de reconnaissance du territoire.

Encore un fois, il n’y a pas UNE façon de faire, mais je vous laisse sur ces réflexions avec un excellent petit sketch comique du Baroness von Sketch Show sur le piège performatif dans lequel tombent certaines de ces reconnaissances territoriales.

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Ce qui est particulier au sujet de l’histoire des Traités au Canada, c’est qu’ils reposent sur deux systèmes juridiques distincts mis en commun pour établir une relation permettant aux deux parties de vivre ensemble sur un même territoire.

Dans le recueil de texte Les traités et les relations qui en découlent, publié par Histoire Canada, Aimée Craft, qui est avocate et professeure anishinabeg-métisse spécialisée en droit autochtone canadien et anishinabeg écrit ceci : « Les Traités historiques n’ont pas tous été établis de la même façon, ni de manière équitable. » Au-delà des traités numérotés, dans l’Est du Canada par exemple, « les Traités de paix et d’amitié ont contribué à instaurer des relations harmonieuses avec les nouveaux arrivants, avant que le Canada ne soit un concept (ou une réalité politique). […] Les gouvernements fédéral et provinciaux continuent de voir les Traités historiques comme un véhicule pour l’acquisition de terres et de ressources. La philosophie autochtone, sur laquelle reposent les lois autochtones, était constamment écartée au profit des concepts de droit occidentaux, qui privilégient les notions de propriété privée et d’exploitation des ressources. […] Pendant des décennies, les Traités ont été interprétés par les tribunaux et le gouvernement canadiens au détriment des Autochtones. Les tribunaux ont souvent ignoré les principes juridiques autochtones qui étaient à la base de l’établissement de ces Traités. » (2018, p.35)

Aimée Craft le rappelle : « La Commission de vérité et de réconciliation du Canada établit un cadre qui appelle à la revitalisation du droit et des traditions juridiques autochtones. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) reconnaît également leurs droits, traditions et coutumes. Ces lois autochtones sont essentielles pour comprendre la façon dont les Premières Nations ont accepté d’établir des liens avec la Couronne en vue de conclure les Traités. » (2018, p.37).

Et selon Martine Robitaille, universitaire et professeure anishinabeg qu’on a rencontrée aux 3e et 4e épisodes d’Oser s’en parler, l’autodétermination des différents peuples autochtones doit passer à une restructuration des systèmes politiques en place. Elle nous donne un exemple d’alternative :

[Clip audio, Martine Robitaille]

Je vous encourage donc à approfondir vos recherches sur le sujet. Je vous ai mis plusieurs ressources sur le site d’Oser s’en parler, et je vous mets également en lien l’ouvrage Les traités et les relations qui en découlent, qui est une ressource développée pour que les allochtones puissent comprendre le rôle crucial des Traités dans la création du Canada et comment cette relation se poursuit encore aujourd’hui. L’ouvrage se compose de diverses perspectives autochtones, et traite de plusieurs sujets comme l’esprit des traités, l’histoire des traités numérotés, les problématiques d’interprétation des traités, l’enjeu du territoire algonquin, la situation unique des Premières Nations de la Colombie-Britannique et l’expérience d’éducation des traités en Nouvelle-Écosse.

Karine Duhamel, d’héritage anishinabeg et métis et conservatrice de la section des droits autochtones au Musée canadien pour les droits de la personne y partage ceci:

« Actuellement, la priorité consiste à retrouver l’esprit et l’intention des Traités. Ces accords ne sont pas caducs, obsolètes ou sans utilité. Les histoires et récits des Premières Nations sur les processus entourant les Traités mettent en valeur les principes importants de réciprocité, de respect et de renouvellement, principes ancrés dans une expérience s’étalant sur des milliers d’années de présence sur ces terres. Les Traités sont en fait la clé vers une nouvelle vision de l’avenir, puisqu’ils constituaient des accords encadrant les relations entre les Premières Nations et les colons, pour le passé, le présent et l’avenir. » (2018, p.11)

Ces enjeux que l’on considère « autochtones », ne seraient-ils pas plus des enjeux dits « de colonialisme »?

[Rencontre avec Anne Dagenais, audio]

Je vous laisse sur cette réflexion de plus en plus présente dans les cercles décoloniaux.

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Au courant des dernières semaines, vous avez été nombreux à nous écouter, nous écrire et à partager nos épisodes. Ce projet a commencé comme initiative citoyenne et bénévole, et c’est encourageant de savoir que ce genre de contenu est pertinent et qu’il résonne avec les réflexions de plusieurs. Plus on s’intéressera à en apprendre, moins on fera partie du problème, plus on sera outillé pour faire partie de la solution.

Comme d’habitude, les différentes références abordées aujourd’hui se trouvent sur la page web de l’épisode. On a aussi une liste de suggestion de livres et de films dans notre banque de ressources sur www.osersenparler.ca/ressources.

Depuis deux ans, c’est un honneur d’échanger avec nos invités, et avec vous, sur des sujets encore très cloisonnés. J’ose espérer que ce balado a rendu des concepts complexes plus digérables, car c’est en s’intéressant à la nature bâclée et insidieuse du système dans lequel on vit qu’on réalise pourquoi le changement ne peut pas être un simple souhait, mais un travail de longue haleine. Il nous reste quelques sujets à traiter, et ces prochains mois seront consacrés à l’enregistrement, au montage et à l’écriture des derniers épisodes de cette saison d’Oser s’en parler. On se retrouve donc à la fin de l’été pour du nouveau contenu audio hebdomadaire, et en attendant, on poursuit la conversation sur nos réseaux sociaux, en échanges courriels, entre amis, collègues et en famille, et sur notre site osersenparler.ca

Références

08:00 - Pour plus de contexte sur la déportations des Inuits sur les terres hostiles du Haut Arctique dans les années 1950 pour réaffirmer la souveraineté canadienne pendant la Guerre Froide:

08:09 – *Qallunaat : mot inuktitut pour référer aux non autochtones

08:45 – Pour plus de contexte, le Nunavut, expliqué par l'Encyclopédie canadienne

09:15 – Lumière sur les angles morts de l’expérience « canadienne », avec Alexandre Bacon (novembre 2020), épisode #2 du balado Oser s’en parler

09:25 – Timeline of Canadian Colonialism and Indigenous Resistance (2019), par The Leveller, une frise du temps des résistances autochtones en anglais

09:45 – Lumière sur les angles morts de l’expérience « canadienne », avec Alexandre Bacon (novembre 2020), épisode #2 du balado Oser s’en parler

10:50 – Pour plus de contexte sur l’importance de l’équilibre dans les interprétations :

11:20 – Archive du gouvernement du Canada, « Céder, abandonner et renoncer : un historique des traités conclus avec les Indiens du Canada (1991) »

11:50  – Le traité de Peguis-Selkirk, vu par Dr. Adam Gaudry (2017), sur le blogue de la Bibliothèque et Archives Canada

14:10 – Le traité de Peguis-Selkirk, vu par Dr. Adam Gaudry (2017), sur le blogue de la Bibliothèque et Archives Canada

15:10 – 6 Common Myths about Treaties in Canada, un article web du Centre for Indigenous Studies, University of Toronto

16:30 – Lumière sur les angles morts de l’expérience « canadienne », avec Alexandre Bacon (novembre 2020), épisode #2 du balado Oser s’en parler

18:10 - 19:00 – Plus de contexte sur les racines des revendications territoriales de

19:20 – Pour plus d’information, consulter le dossier spécial « Droit des autochtones » de la CAIJ, qui rassemble l’information juridique pertinente touchant les peuples autochtones au Canada en matière de législation, jurisprudence et doctrine (incluant les traités). L’information est organisée par domaines de droit.

La section « Constitutionnel / Jurisprudence » met en lumière les décisions relatives aux :

  • Droits ancestraux et issus de traités
  • Droits et libertés
  • Obligation de consulter et d’accommoder
  • Obligation de fiduciaire
  • Titre aborigène

18:30 – Un des nombreux articles pour en apprendre davantage : Conflit de pêche en Nouvelle-Écosse : Ottawa a « laissé traîner les choses » (janvier 2021), un article d’Espaces Autochtones, Radio-Canada

19:55 – Un des nombreux articles pour en apprendre davantage : Chasse à l’orignal : les Anishinabeg tentent de dénouer l’impasse avec Québec (mars 2021), un article de l’Actualité

20:05 – Un des nombreux articles pour en apprendre davantage : What we mean when we say Indigenous land is 'unceded' (janvier 2020), un article de National Observer

20:25 – Pour écouter davantage : Lumière sur les angles morts de l’expérience « canadienne », avec Alexandre Bacon (novembre 2020), épisode #2 du balado Oser s’en parler

22:15 – Pourquoi les Première Nations bloquent-elles les chemins de fer? Et pourquoi c’est important (2020), une vulgarisation graphique de Choloula (Cholé Germain-Thérien) https://96c7fcec-01ea-47ce-afb5-be19746150a4.filesusr.com/ugd/4feb74_c62d1f80a72e4a17b3309f00d21dc3e8.pdf?index=true

22:50 – Au-delà de la (non) rencontre, avec Emanuelle Dufour (novembre 2020), épisode #1 du balado Oser s’en parler

23:05 – Un peu de contexte sur mon commentaire : Le Premier ministre Justin Trudeau pendant les manifestations en solidarité avec les chefs héréditaires Wet’suwet’en, affirmait que l’on devait « respecter la règle de droit ». Mais comme l’écrit Pam Palmater, avocate mi’kmaq et professeure : «Il s’agit du droit de ceux qui font les règles et non de la règle de droit».

23:20 – Pour plus d’information : Eau potable dans les communautés : le Canada en voie de manquer ses cibles (octobre 2020), Espaces Autochtones (Radio-Canada) : "À cinq mois de l'échéancier fixé par le gouvernement Trudeau pour éliminer tous les avis à long terme qui touchent des réserves, 60 avis restent en vigueur au pays."

24:30 – Quelques uns des nombreux articles pour en apprendre davantage :

25 :40 – Quelques uns des nombreux articles pour en apprendre davantage :

26:45 – Retrouvez Gilbert Niquay dans Le faux dilemme entre tradition et modernité, avec Sabryna Godbout et Gilbert Niquay (mars 2021). épisode #7 du balado Oser s'en parler.  Il sera également l’invité de notre prochain épisode.

29:25 – S’en parler entre allochtones (décembre 2020), épisode #5 du balado Oser s’en parler

29:50 – Indigenous Solidarity Ottawa :

31:35 – Invasion (2019), un documentaire du Camp Unist’ot’en, disponible gratuitement sur le site du Camp Unist’ot’en et Youtube

34:00 – S’en parler entre allochtones (décembre 2020), épisode #5 du balado Oser s’en parler

35:05 – Warrior Life, un balado de Pam Palmater, disponible sur toutes les plateformes d’audio-diffusion

35:12 – Media Indigena

35:20 – Ressources proposées par le collectif Indigenous Solidarity Ottawa

38:45 – Pour davantage de contexte sur la contamination au mercure mortelle de la communauté de Grassy Narrows : L’histoire de Grassy Narrows (2016), un court documentaire de PSAC-AFPC

42:45 – Dr. Niigan Sinclair, cité dans La reconnaissance des terres ancestrales: une pratique de plus en plus courante (2017), un article du Devoir

43:20 – L’expression “Land Back” a été présentée par Arnell Tailfeathers comme un même en 2018, et est rapidement devenu un mot-clic et un mouvement. Les chercheurs autochtones du Yellowhead Institute de l'Université Ryerson décrivent Land Back comme un processus de "récupération de la juridiction autochtone : donner vie aux droits et aux responsabilités".

46:30 – Pour plus de contexte,

48:05 - Land acknowledgement (2019), un sketch comique de Baroness von Sketch Show, CBC Comedy

48:45 – « L’esprit des Traités », un chapitre d’Aimée Craft publié dans la ressource Les traités et les relations qui en découlent (2018), d’Histoire Canada, p-35-40

49:52 – Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2006), déclaration ratifiée par le Canada, https://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/DRIPS_fr.pdf

50:30 – Pour écouter davantage Martine Robitaille, retrouvez-la dans le 3e et 4e épisodes d’Oser s’en parler.

50:40 – Citizens Plus, Aboriginal Peoples and the Canadian State (2001), un livre d’Alan C. Cairns Carns.

49:00 – Ressources proposées par Oser s'en parler

51:50 – Les traités et les relations qui en découlent (2018), une ressource publiée par Histoire Canada

52:20 – « Gakina Gidagwi’igoomin Anishinaabewiyang : Nous sommes tous peuples des Traités » un chapitre de Karine Duhamel publié dans la ressource  Les traités et les relations qui en découlent (2018), d’Histoire Canada, p-11-16

56:50 – Ressources proposées par Oser s'en parler

À propos du balado

Oser s'en parler est un balado indépendant où on essaie de déconstruire le malaise et l'inertie allochtones et élever des voix autochtones. Ça peut être extrêmement confrontant de se pencher sur les façons dont on contribue, sans le savoir, à l'oppression de ceux qui habitent sur le même territoire que nous. Mais c'est justement pour ça qu'il faut se parler sincèrement entre "Blancs/ colons/ Canadiens", procéder à des introspections personnelle et collective, et changer nos comportements. Parce que le changement dit "systémique" ne se passera que si chacun de nous s'y met.

Trames sonores de cet épisode:

Dirty Wallpaper, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Leave the TV on, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Cloudbank, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Pacific Time, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Nesting, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)

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