
Résumé
Au Québec et au Canada francophone, on sait que l’identité a besoin d’une culture, de traditions, d’une langue et d’un territoire pour survivre. Mais on tend à ignorer ces besoins pour d’autres groupes plus marginalisés que les nôtres. Avec Sabryna Godbout, Wendat de Wendake, on parle justement de culture et d’identité. On aborde certains des impacts de la Loi sur les Indiens sur l’identité légale des Autochtones; mais on parle aussi de fierté identitaire, du rôle essentiel des aînés; de transmission culturelle, d’amour propre, de résilience et d’ouverture d’esprit.
Transcription de la narration
Introduction
Au Québec et au Canada francophone, on parle beaucoup de combats identitaires, de l’importance du sentiment d’appartenance et de la transmission culturelle pour la santé et le bien-être de nos communautés. Ces conversations-là qui sont essentielles, et qui m’habitent et me passionnent depuis mon adolescence, ont pourtant tendance à ignorer les luttes identitaires et la résilience culturelle d’autres groupes minoritaires, souvent encore plus marginalisés que nous.
Dr Pamela Palmater, avocate, activiste et professeure Mi'kmaq, a publié en 2011 sa thèse de doctorat en format d’ouvrage intitulé Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (traduit libéralement, Au-delà du sang : repenser l’identité autochtone). En préface de ce livre, le Chef Mohawk Bill Montour de Six Nations of the Grand River, écrit:
« En tant qu'êtres humains, nous développons constamment notre identité […]. Nous construisons ces identités sur la base de nos relations à notre famille, nos amis, notre communauté, notre géographie, notre langue et d'autre facteurs sociaux. Ces identités jouent un rôle crucial dans nos vies. Quand un enfant a un sentiment d'appartenance à une famille, à une communauté, à des pairs, il ou elle est mieux équipé.e pour faire face à l'adversité. La majorité des gens prennent leur identité culturelle pour acquise : généralement, les gens savent qu'ils sont néerlandais, allemands, italiens, chinois, par exemple. Au Canada cependant, le gouvernement fédéral contrôle les identités des personnes autochtones à travers ses lois et ses politiques. Plus spécifiquement, il contrôle l'habileté des personnes autochtones à s'identifier en tant qu'"Indien" légal, ce qui par conséquent affecte leur capacité à être un membre d'une communauté locale ou même citoyen de leur nation autochtone. » (p.7, 2011)
Comme on l'a vu avec Alexandre Bacon, le concept légal de l'« Indien » est basé sur la Loi sur les Indiens. Être « Indien », c'est une catégorie légale, mais c'est aussi une façon pour le gouvernement de contrôler qui peut revendiquer des droits ancestraux et des droits issus des traités. Même si avant le contact, les nations autochtones avaient leurs propres lois, leurs propres systèmes de gouvernance, leurs propres méthodes de prises de décision, et donc leurs propres moyens de déterminer l'appartenance, le Chef Montour nous le rappelle, c'est le Canada, et non pas les communautés autochtones individuelles, qui décide QUI est Indien depuis plus de 150 ans.
Au Québec et au Canada francophone, on connaît l’importance de la culture, des traditions, de l’histoire collective, de la langue et du territoire quand il en vient à entretenir nos identités collective et individuelle. Mais comme je le mentionnais plus tôt, on a tendance à ignorer ou refuser que ces éléments soient essentiels pour d’autres groupes que les nôtres. Aujourd’hui, on parle de culture et d’identité avec Sabryna Godbout, Wendat de Wendake – pour voir quels sont les points de ressemblance et les points de divergence entre nos réalités.
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L’identité culturelle est centrale à la vie de Sabryna et elle a comme mission de la transmettre aux siens. Elle voit la culture comme une fenêtre pour créer des ponts entre les différentes Premières Nations, et pour partager sa réalité auprès des Québécois.es. Dans sa jeune vie, elle a été, entre autres, enseignante de la langue wendat, formatrice en atelier de perlage et danses de pow wow. Elle est ambassadrice de Puamun Meshkenu, un organisme qui vise à développer le plein potentiel des jeunes, à les sensibiliser à de saines habitudes de vie physiques, mentales et spirituelles, et à établir des ponts entre les nations. Elle est aussi membre de la Chaire réseau jeunesse autochtone. En ce moment, elle travaille à l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador (IDDPNQL) en tant que chargée de projet en langues et cultures. Son travail consiste à produire des livres portant sur le développement durable et les cultures, qui sont traduits en différentes langues autochtones. On s’est rencontrées virtuellement en juillet pour aborder certains des impacts réels des mesures patriarcales et coloniales de la Loi sur les Indiens; mais on parle aussi de fierté identitaire, du rôle essentiel des aînés dans nos sociétés; de l’importance de la transmission culturelle et de l’ouverture d’esprit. On parle d’amour propre, de résilience, de communauté.
Rapidement, j’espère que vous pourrez vous rendre compte à quel point le système colonial qui perdure aujourd’hui au Québec et au Canada impose de lourdes restrictions sur tout ce qui touche l’identité des personnes autochtones. Ce système colonial, en tant qu’allochtone, on le prend pour acquis parce qu’il ne nous affecte pas directement – mais avec les générations, il a été aussi intériorisé et en arrive à imprégner l’image que les personnes autochtones ont d’elles-mêmes, les politiques locales, les règles d’appartenance, etc. En grandissant, Sabryna a vécu de grands questionnements identitaires face au rejet qu’elle vivait non seulement au sein de la société québécoise, mais aussi dans sa communauté à Wendake. Et même si cette histoire est la sienne, elle est celle de beaucoup d’autre personnes autochtones à travers le pays. Je la remercie de son temps et de son ouverture à nous raconter son histoire personnelle, et j’espère que son témoignage permettra de remettre en question des systèmes et des idées préconçues que vous avez sur les identités autochtones.
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Je ne pourrais jamais comprendre ce que c’est d’être ignoré par l’histoire dominante à ce point-ci. On en a parlé avec Martine Robitaille il y a quelques semaines, et je sais que les choses changent petit à petit, mais l’adolescence est déjà une période tumultueuse dans la construction identitaire personnelle – exister dans les yeux de la société dans laquelle tu évolues est un besoin de base il me semble.
Et au rejet vécu de la part de la société dominante, Sabryna devait aussi faire face au rejet qu’elle vivait au sein de sa communauté car elle n’avait pas son statut légal Indien.
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Cyndy Wylde, universtaire et chroniqueuse Atikamekw et Anichinabée le mentionne : « jamais une loi n’aura été aussi créative [que la Loi sur les Indiens] pour éliminer un peuple ». Cette loi est particulièrement discriminatoire envers les femmes quand il en vient à la transmission du « statut » Indien – et malgré plusieurs modifications en 1951, en 1985, en 2010 et en 2017, la Loi permet encore une discrimination importante contre plusieurs femmes autochtones et leur descendance.
Et la créativité de cette loi que Cyndy Wylde et plusieurs autres dénoncent, c’est en partie la façon dont on superpose des couches et des couches de complexités légales – et disons que les amendements à la loi n’aident pas à rendre les choses simples. Tout ça fait en sorte que n’importe quelle personne lambda qui essaie de comprendre les conditions particulières qui permettent ou non la transmission du statut s’y perd dans les détails.
Comme le but de la Loi sur les Indiens est l’assimilation complète des Autochtones à la société dominante euro-canadienne, il y a toujours eu plein de façons de perdre son statut historiquement – on en a parlé avec Alexandre Bacon : voter, étudier, … et pour les femmes autochtones, marier un Blanc. C’est ce qui s’est passé avec la grand-mère de Sabryna, et des milliers d’autres femmes. Dans le fond, on établissait si quelqu’un était éligible au statut Indien par la lignée du père, jamais de la mère.
Les femmes autochtones affectées ont lutté pendant de nombreuses années.
On pense à Yvonne Bédard, haudenosaunee de Six Nations of the Grand River et Jeannette Corbiere Lavell, Anishinaabe Ojibwée de la Première Nation Wiikwemkoong, qui ont poursuivi le gouvernement devant les tribunaux dans les années 70. Leurs deux causes ont été associées en 1973 et présentées devant la Cour Suprême, qui a tranché contre Lavell et Bedard dans un jugement à 5 contre 4.
On pense aussi à Sandra Lovelace Nicholas, wolastoqiyik de la nation Tobique (Malécite), qui a présenté son cas en 1981 aux Nations Unies.
Leurs efforts ont joué un rôle essentiel. En 1985, la loi C-31 reconnaît que la perte du statut des femmes autochtones par mariage est discriminatoire et non conforme avec la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée trois ans auparavant. Les hommes autochtones qui mariaient des femmes blanches gardaient leur statut et le passaient à leur descendance, mais pas les femmes autochtones. Elles, elles perdaient leur statut et leurs droits au mariage et ne pouvaient pas le transmettre à leur descendance.
Les femmes qui ont perdu leur statut, dont Yvonne Bédard, donc Jeannette Corbiere Lavell, dont Sandra Lovelace Nicholas, dont la grand-mère de Sabryna, ont donc pu présenter une demande pour récupérer leur statut.
Mais on leur a donné leur statut selon le paragraphe 6(1)(c) et non pas 6(1)(a) sous lequel elles étaient inscrites à leur naissance. Quand on est 6(1)(a), on peut transmettre le statut 6(1)(a) à ses enfants. Mais quand on est 6(1)(c), on donne le statut 6(2) à ses enfants – et eux ne peuvent pas passer leur statut à leurs enfants. Le père de Sabryna est donc un 6(2) (six-deux). C’est un homme, mais son statut est lié au statut 6(1)(c) de sa mère, qui est comme un statut « à date de péremption », si je peux me permettre.
Donc en 1985, la solution qui est proposée dans la loi, c’est de créer deux catégories d’Indiens inscrits – mais ça a la conséquence de limiter considérablement la possibilité de transférer le statut d’Indien à ses enfants. Grosso modo, « après deux générations de mariages mixtes avec des partenaires non inscrits, les enfants ne sont plus admissibles au statut d’Indien ». Mais ça, ça veut dire que même si le père a le statut, mais que son nom est absent du certificat de naissance, pour n’importe quelle raison, on suppose qu’un enfant d’une femme de statut 6(2) n’est pas inscrit.
Pourquoi c’est important, le statut?
Pamela Palmater est une avocate et femme engagée mik’maq. Elle a grandie a Oqpi'kanjik (la nation Eel River Bar) avec 11 frères et sœurs, mais elle n'est pas reconnue légalement comme Indienne, ce qui a eu des impacts sur son habileté à apprendre sa langue, avoir accès au savoir traditionnel ou participer à des activités culturelles de sa communauté. Sa grand-mère Mi'kmaq a marié un homme allochtone avant 1985, et de ce fait, elle a perdu son statut Indien – et les droits qui viennent avec. Frank, le père de Pam, a grandi avec la honte de son héritage mi'kmaq dans une société très divisée. Dans son ouvrage Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity, elle écrit :
« Mes enfants et moi-même sommes exclus d'un statut sur la base du sexe de ma grand-mère, mais aussi par les règles de "degré de sang Indien" établis par le ministère des Affaires Indiennes et du Nord. Ne pas avoir de statut, c'est ne pas pouvoir vivre dans la réserve, c'est ne pas pouvoir participer dans les activités de gouvernance de notre bande. C'est être exclu des négociations et des avantages liés aux revendications territoriales locales, des droits issus des traités et de l'accès régulier à nos aînés et à nos mentors communautaires. » (p.29)
Ne pas avoir de statut, c’est être exclus de droits de chasse, de pêche et de rassemblements traditionnels et des cérémonies de mariage, de funérailles et de guérison de sa communauté. Ça décide si on peut aller à l’école dans la réserve vivre là où on a grandit, avoir accès aux services postsecondaires, de santé et dentaires qui sont offerts à ceux qui ont le statut d’Indien.
Donc les amendements de 1985, c’était comme du scotch tape pour colmater un trou dans la barque qui prend l’eau.
Sharon McIvor, est une femme de la communauté Nlaka'pamux de Lower Nicola Indian Band. Elle s’est battue légalement contre le gouvernement fédéral pendant 18 ans par rapport aux conditions de statut de la loi de 1985. Son argument, c’est qu'il avait été discriminatoire de 'réinscrire' les femmes à l'alinéa 6(1)(c) et non 6(1)(a); que si elle avait été un homme, elle n'aurait jamais perdu son statut 6(1)(a) et aurait pû faire hériter de son statut à sa descendance.
Sharon McIvor se battait pour beaucoup plus que ses petits-enfants : Sabryna nous partage qu’en grandissant sans statut, on lui donnait parfois l’étiquette condescendante de « six trois ». 6.3, c’est comme dire qu’elle était « une génération trop tard », et donc qu’elle était illégitime dans sa propre communauté.
En 2007, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déterminé que l’article 6 contrevenait aux droits à l’égalité de Sharon McIvor selon la Charte canadienne des droits et libertés. En 2011, 25 ans après les changements de 1985, la loi C-3 entre en vigueur avec l’intention d’étendre la capacité de transmettre le statut aux générations suivantes. Elle donne le statut de 6(2) aux petits-enfants des femmes qui ont récupéré leur statut en 1985. Sabryna est directement affectée par cette loi : et c’est grâce à elle qu’elle a pu revendiquer son statut officiel. Sa grand-mère était considérée légalement comme une Indienne 6(1)c, son père, 6(2) et elle aussi a maintenant le droit au statut 6(2).
Ok, j’explique ça à l’oral, mais si vous avez besoin de texte pour vous concentrer, il y a de nombreux articles écrits là-dessus et la transcription de la narration est comme d’habitude disponible sur la page web de l’épisode. Ça peut aider à suivre.
Finalement, au lieu s’attaquer aux problèmes structurels, on tente encore une fois de patcher une barque qui coule avec du scotch tape plus large.
2015 : Stéphane Descheneaux est abénaquis et rappelle que la génération suivante subi aussi de la discrimination par rapport au statut. Sa grand-mère a récupéré son statut en 1985, et a passé le statut « six deux » à sa fille, la mère de Stéphane. En 2011, lui-même à eu le droit au statut 6(2) comme Sabryna grâce à la loi C-3 qu’on surnomme « de McIvor ».
Mais qu’est-ce qui arrive aux gens comme Sabryna et Stéphane Descheneaux, qui ont eu été considéré comme des 6(3) et qui sont maintenant 6(2)? Ils ne peuvent pas transférer leur statut à leurs enfants. Stéphane saisit donc les tribunaux et se rend jusqu’à la Cour supérieure du Québec. Voici son argument : il ne peut transmettre son statut à ses enfants alors que, si à la base c’était son grand-père qui avait été Autochtone et non sa grand-mère, il aurait pu le faire. En 2015, la Cour Supérieure du Québec statue que les provisions sous la section 6 de la Loi sur les Indiens violent la section 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. En août 2018, la loi S-3 entre en vigueur pour régler des problèmes de discrimination basée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens, environ 50 ans après les premières contestations.
Il y a encore de nombreux problèmes liés à la situation actuelle des provisions de statut dans la Loi sur les Indiens, et on reviendra là-dessus un peu plus tard pendant l’épisode. Tout ça pour dire, ça m’a pris des heures pour vous concocter cette explication résumée de décennies de dépossession de statut et d’identité légale. Et même si en grandissant Sabryna ne connaissait pas tous les détails juridiques et historiques, le chaos légal qui touchait à son identité, elle le vivait au niveau personnel.
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Et retrouver le goût de danser dans les powwows a mené Sabryna a redécouvrir sa culture à travers la confection de sa régalia, l’habit porté par les danseurs autochtones pendant les danses traditionnelles.
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J’ai conscience de ce sont des enjeux complexes et polarisants. Isabelle Picard, universitaire wendate et chroniqueuse, explique dans une chronique en septembre dernier, que la nouvelle loi S-3, ça signifie que des milliers de nouvelles personnes qui pourront demander leur statut Indien, et pour certaines communautés, ce sont des centaines de nouveaux membres qui cogneront à la porte. Or le financement de base, lui, ne sera pas indexé en fonction des nouveaux membres Ça accroît les pressions exercées sur des terres et sur des fonds déjà largement sollicités. Elle écrit :
« Certains conseils de bande voient mal comment ils pourront offrir des services pour tous sans argent supplémentaire. […] Mais il y a plus. D’autres mentionnent en chuchotant que ces gens qui s’ajoutent à liste de bande, n’ayant pas grandi dans la communauté, dans la culture, la réalité, et connaissant très peu les enjeux des Premières Nations, mettront en danger la survivance de la cosmologie et des cultures autochtones. En effet, puisque ces gens auront aussi le droit de voter aux élections ou lors de référendums qui influenceront l’avenir de la nation, de la communauté, certains mentionnent au passage que cela pourrait être dommageable pour les Premières Nations puisqu’il y a eu une coupure socioculturelle évidente.
Je leur ai alors demandé quelles étaient les solutions. Outre un meilleur financement, c’est l’adoption d’un code d’appartenance, de citoyenneté qui revient le plus souvent. Mais qu’est-ce qu’un code d’appartenance? Quelle forme peut-il prendre? »
Selon Pam Palmater, ce qui fait d’elle une femme mi’kmaq, c’est le lieu d’où elle vient et les connexions qu’elle partage avec les autres personnes de sa nation. Pas un statut légal ni un taux de sang. Elle écrit :
« Je suis une femme mi'kmaq. Dans la tradition mi'kmaq, une grande partie de qui je suis est liée d'où je viens et des connexions que je partage avec les autres personnes Mi'kmaq: la connexion à nos ancêtres, ma famille élargie, mes enfants, nos territoires traditionnels, nos histoires partagées, nos langues, coutumes, pratiques, nos relations avec d'autre nations autochtones et ma communauté natale. » (p.13)
Pam Palmater explique que les conseils de bande s’appuient sur des critères de sang ou de statut patriarcal à cause des formules de financement du gouvernement du Canada qui sont restrictives. Elle soutient que les communautés autochtones elles-mêmes doivent déterminer leur citoyenneté en fonction de leurs liens avec la communauté, et non en utilisant les critères des colonisateurs pour réellement mettre fin à la discrimination sexiste initiale (p.29).
Le Chef Mohawk Bill Montour de Six Nations of the Grand River écrit d’ailleurs en préface de l’ouvrage de Pam Palmater : « Notre futur en tant que nations autochtones, c'est de ré-affirmer notre souveraineté et retourner à nos lois et traditions pour que la détermination de la citoyenneté fonctionne pour nos nations » (p.7).
Ce sont des débats importants qui animent les cercles politiques, universitaires mais aussi sociaux Autochtones. Ils existent à cause de la Loi sur les Indiens, qui continue de perpétuer le colonialisme patriarcal. Et les allochtones dans tout ça? Je pense qu’il n’est pas à nous d’alimenter ce débat. Mais il est à nous de reconnaître que la décolonisation, ce n’est pas simplement de reconnaître sur quel territoire traditionnel non-cédé on se trouve. « La véritable réconciliation ne sera trouvée que dans l’inconfort qui vient avec le retour du territoire, de la richesse et du pouvoir », si je peux me permettre de citer Pam Palmater (2018).
J’ose espérer qu’en s’éduquant et en osant s’en parler, on avance sur ce chemin qui consiste à retourner le territoire, la richesse et le pouvoir, au nom de la justice, de l’empathie et de l’équilibre.
Sabryna dessine sa propre route au milieu de tout ça. Ce que je retiens, c’est la force qu’elle puise en elle-même. Elle est devenue l’exemple qu’elle aurait aimé avoir en grandissant. À sa façon, et en continuité avec le travail d’autres femmes brillantes de sa nation, elle est une force positive dans sa communauté et au-delà – et pour elle, la transmission culturelle s’érige comme moteur central de guérison, d’empowerment et de fierté identitaire.
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Sabryna ne parle évidemment qu’en son nom, mais les dynamiques qu’elles décrit affectent de nombreux jeunes – et moins jeunes – au quotidien. Alors que plusieurs – sinon la majorité des personnes autochtones vivent avec le poids de constamment avoir à se justifier au niveau identitaire, Sabryna nous rappelle que si la culture permet de vivre librement, la culture est elle-même vivante : elle est vouée à évoluer, à s’adapter, à être réinventée et à être partagée collectivement par ceux qui la pratiquent on veut qu’elle survive. On va justement en parler dans le cadre de notre prochain épisode, qui en grande majorité traitera du faux dilemme entre tradition et modernité qu’on impose souvent aux personnes et communautés autochtones.
En 2020, Sabryna a produit avec des collaborateurs, trois bandes dessinées reportages de l’IDDPNQL sur des communautés autochtones qui utilisent les énergies renouvelables sur leur territoire. Elle a également publié Enseigne-moi l’eau : sept générations racontent, qui s’adresse à des enfants d’âge préscolaire. Il aborde le thème de la transmission intergénérationnelle de la protection de l’eau et enseigne, à travers le principe des sept générations et l’apport de savoirs culturels, pourquoi l’eau est si importante. Tous les ouvrages mentionnés, et bien d’autres, sont disponible en format électronique gratuitement, sur le site de l’IDDPNQL sous l’onglet « livres multilingues ». Le lien est également disponible sur le site de l’épisode, et dans la banque de ressources d’Oser s’en parler. Comme d’habitude, les différentes références abordées aujourd’hui se trouvent aussi sous sur la page web de l’épisode. N’hésitez-pas à nous écrire et nous suivre, on publie un épisode par semaine!
Références
00:40 – Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (2011), un ouvrage de Pamela Palmater
01:00 à 01:57 – Bill Montour, dans Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (2011), p.7
02:00 – Lumière sur les angles morts de l’expérience « canadienne », avec Alexandre Bacon (novembre 2020), épisode de balado Oser s’en parler
04:10 – Puamun Meshkenu
04 :45– Chaire réseau jeunesse autochtone et son compte Facebook
04:30 – L’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador (IDDPNQL)
04:45 – Livres multilingues de l’IDDPNQL
16:00 – terme méprisant désignant les autochtones
16:25 - Raconter notre passé colonial, avec Martine Robitaille (novembre 2020), épisode de balado Oser s'en parler
18:00 – Cyndy Wylde, dans « Le projet de loi S-3 : régler 143 ans d’inégalité juridique à l'égard des femmes autochtones » (avril 2019), Radio Canada
18:25 – Pour plus de contexte, une ligne du temps de l’Association des Femmes Autochthones au Canada (AFAC) et un article de l’Encyclopédie canadienne
18:50 – Loi sur les Indiens (texte de loi) (Encyclopédie canadienne)
19:00 – Lumière sur les angles morts de l’expérience « canadienne », avec Alexandre Bacon (novembre 2020), épisode de balado Oser s’en parler
20:00 – Pour plus de contexte, des articles de l’Encyclopédie canadienne sur l’Affaire Bedard et l’Affaire Levell
20:15 – Pour plus de contexte, un article de l’Encyclopédie canadienne sur Sandra Lovelace Nicholas
22:00 – Pour plus de contexte, une ligne du temps de l’Association des Femmes Autochthones au Canada (AFAC), et un article de l’Encyclopédie canadienne
22:55 à 23:25 – Pam Palmater, dans Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (2011)
24:00 – Pour plus de contexte, un article de l’Encyclopédie canadienne sur l’Affaire McIvor
25:05 – Pour plus d’information, le résumé législatif du projet de loi C-3 de la Bibliothèque du Parlement (2010)
26:00 – Pour plus de contexte, un article de Radio-Canada, « La Loi sur les Indiens jugée discriminatoire envers les femmes autochtones » (août 2015)
27:15 – Loi S3 (2017)
38:55 à 40:30 – Isabelle Picard, dans « La Loi S-3 : un appel à la responsabilité » (septembre 2019), Radio-Canada
40:40 à 41:15 – Pam Palmater, dans Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (2011), p.13
41:18 à 41:44 – Pam Palmater, dans Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (2011), p.29 / “PAM PALMATER: Of genocide and hot dogs”, par Canadian Labour Institute (2018)
42:55 – Bill Montour, dans Beyond Blood: Rethinking Indigenous Identity (2011), p.7
42:40 – “Truth and Reconciliation in Canada: If It Feels Good, It’s Not Reconciliation” (2018), une presentation universitaire (Woodrow Lloyd Lecture) de Pam Palmater à l’Université de Regina
48:45 – Livres multilingues de l’IDDPNQL
À propos du balado
Oser s'en parler est un balado indépendant où on essaie de déconstruire le malaise et l'inertie allochtones et élever des voix autochtones. Ça peut être extrêmement confrontant de se pencher sur les façons dont on contribue, sans le savoir, à l'oppression de ceux qui habitent sur le même territoire que nous. Mais c'est justement pour ça qu'il faut se parler sincèrement entre "Blancs/ colons/ Canadiens", procéder à des introspections personnelle et collective, et changer nos comportements. Parce que le changement dit "systémique" ne se passera que si chacun de nous s'y met.
Trames sonores de cet épisode:
Nesting, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Aourourou, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Marble Transit, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)
Dorica Theme, Blue Dot Sessions (www.sessions.blue)